Familles BRACLE (de) alias BRAECKELE (van) - HEMBYZE (van) - LA KETHULLE (de)
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Sommaire:
BRACLE (de ou van), ancienne et
illustre famille de la Flandre, qui possédait la seigneurie de
Bracle ou Braeckele, près d'Alost, dont elle porte le nom, a
produit divers personnages dont la mémoire mérite
d'être conservée. — Rasse de Bracle, seigneur de
Auterive, Moorslede, Duffele et autres lieux, épousa Agnès
de Cuinghem. Douze enfants sont issus de ce mariage. L'aîné,
Antoine, accompagna Charles-Quint au mémorable siège de
Térouanne. Georges, le deuxième, qui, par la mort de
son frère devint seigneur de Auterive ou Hauterive, s'est
d'abord attaché au service du comte Ph. de Ligne, chevalier de
la Toison d'or, et suivit sous sa bannière les diverses
expéditions de Charles-Quint ; il devint ensuite, entre 1576
et 1579, bourgmestre de Bruges. Les dissensions civiles qui eurent
lieu en cette ville rendirent son administration très
difficile et il eut à lutter contre des obstacles de tout
genre. On trouve encore son nom parmi les signataires de l'Union de
Bruxelles en 1577. — Érasme, le troisième, ayant
terminé ses études, partit un 1556, pour visiter la
France, l'Italie et l'Allemagne; il fut ensuite échevin du
pays de Waes. I1 est auteur d'un ouvrage intitulé : Recueil
des seize quartiers et généalogies, avec leurs
enseignements, dont sont issus les douze enfants procrées du
mariage de Rasse de Bracle et de mademoiselle Agnès de
Cuinghem. Ce recueil de format in-folio, qui peut être consulté
avec fruit par ceux qui s'occupent de recherches généalogiques
et historiques sur les familles nobles de la Flandre, est conservé
en manuscrit aux archives communales de Gand. Indépendamment
de ce qu'indique son titre, cet important travail comprend encore :
1° Les nobles de Flandre et maisons seigneuriales, avec leurs
armes blasonnées; — 2° Les nobles de la Flandre
mentionnés dans les annales de Meyerus, —3° Les
nobles de Hollande, Gueldre, Namur, Liège, etc., dont parle le
même annaliste; — 4° Les nobles de Flandre au temps
du comte Louis de Male; —5° Les nobles, chevaliers,
seigneurs et ceux sans titre, qui existaient en 1337 ; — 6°
Généalogies des comtes de Flandre et ducs de Lorraine.
Il contient en outre, la Relation du voyage en Orient de Jacques de
Bracle. — Pierre, le quatrième fils, suivit la carrière
militaire et servit en Italie. Quand il apprit que l'armée,
dont il faisait partie, allait, sous la conduite du duc d'Albe,
combattre ses compatriotes, il refusa énergiquement de suivre
les drapeaux, ne voulant pas porter les armes contre ses concitoyens.
Ce refus brisa sa carrière; il fut destitué. —
Josse, le cinquième, fit ses études juridiques, devint
docteur es lois, voyagea, et fut ensuite nommé conseiller du
conseil de Flandre. — Enfin Jacques, le sixième fils de
Rasse et d'Agnès de Cuinghem, fut adjoint en 1570 à
Charles Rym, seigneur de Bellem, ambassadeur de Maximilien II, à
Constantinople, probablement en qualité de secrétaire.
Il rédigea la relation de son voyage, qui contient des détails
intéressants sur les lieux, qu'il a visités, les mœurs
et usages des habitants, les faits auxquels il a assisté, etc.
On a vu à l'article de Nicolas Biesius, premier médecin
de l'Empereur Maximilien II, que' ce savant praticien belge assista,
d'après les ordres de l'empereur, à une opération
de lithotomie faite sur Jacques de Brade, qui mourut des suites de
cette opération. M. le baron de Saint-Génois parle de
ce voyage dans la préface de son Mémoire sur Scepperus.
Il l'attribuait à tort à Charles Rym ; mieux,renseigné
depuis la découverte du manuscrit, il se proposait de
reproduire cette Relation dans ses Voyageurs Belges, quand la mort
est venue interrompre ses travaux. Aug. Vander Meersch.
le manuscrit cité. —
Vander Aa, Biographisch Woordenboek. — De Jonge, De unie van
Brussel, p. 194 et 195.
(source Dico Bio Belge)
HEMBYZE (Jean van), célèbre
agitateur et tribun flamand, né à Gand le 9 juillet
1513, mis a mort dans la même ville le 4 août 1584. I1
appartenait à l'aristocratie par la naissance, mais non par le
caractère ni les idées ; son éducation avait été
très soignée ; il connaissait bien l'antiquité,
parlait avec une égale facilité la plupart des langues
vivantes, et, grâce à de fréquents et lointains
voyages, il possédait une rare connaissance des hommes et des
choses. Tant d'avantages à la fois le destinaient à
jouer un rôle marquant dans la révolte des Flamands
contre le régime espagnol. Il ne se pressa cependant pas
d'intervenir. On ne trouve son nom sur aucune des listes des
signataires du Compromis des nobles de 1566. Son début
politique paraît avoir été une protestation
éclatante contre le prince d'Orange, l'archiduc Mathias et la
Pacification de Gand. Il n'admettait pas qu'en temps de révolution
l'on pût se montrer généreux ou confiant sans
être dupe. En cela il n'avait pas tout à fait tort; où
il pèche, c'est en refusant d'accepter une direction dans
l'intérêt de la cause commune ; c'est en avouant
franchement son intention de séparer les destinées de
nos provinces flamandes de celles de nos provinces wallonnes dont
l'attitude l'inquiétait, et qui, en effet, ne tardèrent
pas à rentrer sous le joug de nos anciens maîtres par
amour du repos. Quelques-uns de ses contemporains ont accusé
Hembyze d'avoir voulu se faire comte de Flandre, mais c'est là
sans doute une calomnie. Il était foncièrement
républicain, et le titre de Premier de Gand, qu'on lui donna
quand il fut bourgmestre de sa ville natale, semble avoir suffi à
son ambition. S'il en avait été autrement, il est
probable que sur les monnaies, qu'il fit frapper comme dictateur, on
verrait son effigie en lieu et place des armories de la ville de Gand
et des siennes. L'historien Brandt dit de lui qu'il était
l'ennemi juré de toute servitude et de toute adulation. Mais
ce n'est là que l'un des côtés de la grande
figure d'Hembyze. Disons, pour compléter son portrait, qu'il
combattait à outrance le sentimentalisme en politique et
l'indifférentisme en religion, et que ceux qui prétendent
le contraire le calomnient à plaisir ou par ignorance. Si l'on
tient compte des temps et des lieux, on ne pourra se refuser de
convenir que Hembyze était logique en mettant son intolérance
sectaire au niveau de celle de ses adversaires politiques et
religieux, et en disant, qu'à ce prix seulement, on pouvait
combattre à armes égales et compter sérieusement
sur l'avenir. Le prince d'Orange, au contraire, voulait triompher, à
la longue, par la modération, et son insuccès à
Anvers, en 1566 et en 1567, pouvait faire prévoir qu'il serait
encore une fois débordé si, dans les provinces
méridionales des Pays-Bas, où le catholicisme avait
jeté les racines les plus profondes, il l'épargnait
autant que le voulait la Pacification de Gand. Personne, d'ailleurs,
ne respectait plus celle-ci, ni les Etats généraux, où
les catholiques étaient en majorité, en publiant des
décrets contre les protestants, ni ces derniers, en Hollande,
où ils étaient en nombre grâce à
l'émigration flamande et wallonne, en agissant de même
contre les catholiques. Dans de pareilles circonstances, Hembyze et
ses partisans réclamèrent hautement pour la ville de
Gand le droit de repousser toutes les mesures générales
qui seraient contraires à ses privilèges ou porteraient
atteinte à son autonomie. Pieter Bor, dans ses Nederlandsche
Beroerten (vol. ii, p. 85) a reproduit un curieux document, imprimé
à Gand, dans les premiers jours d'août 1579, sans nom
d'auteur, sous le titre de : Een korte openinghe der causen waerom
het niet raedsam zy dat de prince van Orangien nu ter tyt comen soude
binnen de stad van Gent. Ce qu'on y découvre sans peine, c'est
qu'aux yeux des auteurs, — qu'on dit avoir été
Hembyze et le pasteur Pierre Dathenus, — l'Union d'Utrecht a
aboli la Pacification de Gand, que le roi d'Espagne n'est plus le
souverain des Pays-Bas, que la Saint-Barthélémy a mis à
jamais un fleuve de sang entre les Flamands et les Français,
et que pactiser avec ceux-ci ou leurs princes, comme le fait
Guillaume d'Orange, c'est trahir la patrie. L'illustre fondateur de
la république batave résolut de faire bravement tête
à l'orage et d'aller à Gand pour y confondre ses
ennemis. Ni Hembyze ni Dathenus ne jugèrent à propos
d'attendre sa venue. Sous le prétexte que le prince en voulait
sinon à leur vie, du moins à leur liberté, ils
prirent le large. Hembyze fut rattrapé et ramené à
Gand. Quinze jours plus tard, il se rendit au Palatinat, ayant sur le
cœur les reproches mérités que le prince d'Orange
s'était contenté de lui adresser publiquement le 28
août 1579, la veille de son départ clandestin pour
l'Allemagne, et il se remit à conspirer avec le prince
Jean-Casimir et Dathenus. C'est ici que la mansuétude du
Taciturne se montre dans tout son jour et va peut-être trop
loin. Les ministres du duc d'Alençon lui reprochent, en effet,
de n'avoir pas puni Hembyze selon ses démérites ; son
propre frère, le comte Jean de Nassau, de ne point vouloir lui
clore la bouche d'une façon ou de l'autre; mais le prince
dédaigne la vengeance, considère un marché
conclu avec ses ennemis comme étant aussi déshonorant
pour lui que pour eux, et il espère sans doute les ramener à
lui par le succès de sa politique. En ceci il se trompe, des
hommes de la trempe de Hembyze et de Dathenus ne changent pas, ne se
convertissent jamais. C'est la trahison du duc d'Alençon qui
ramène les Gantois à Hembyze, l'ennemi acharné
des Français. Ils s'étaient brouillé avec son
beau-frère Ryhove, et celui-ci quitte la ville le 24 octobre
1588 au moment même où Hembyze, élu premier
échevin avec des pouvoirs dictatoriaux, y fait sa rentrée,
aux acclamations de ses partisans plus nombreux que jamais. Ce fut un
court triomphe. Les affaires allaient mal, la trahison était
partout. Dathenus défend son ami Hembyze jusqu'au jour où
il acqiert la triste certitude qu'il préfère la paix
avec l'Espagne à l'union avec la Hollande, c'est-à-dire
à une réconciliation sans arrière-pensée
avec le prince d'Orange. Son orgueil de tribun gantois le conseille
mal, il se fait illusion sur sa popularité ; et en effet, au
premier soupçon de trahison ,tout le monde se retourne contre
lui. La partie s'était jouée entre lui et Ryhove, son
beau-frère, resté fidèle au Taciturne et à
l'idée de fédération, et il la perd. Une fois en
prison, son orgueil tombe, sa dignité et sa présence
d'esprit l'abandonnent. La plupart des quarante-deux chefs
d'accusation mis en avant contre lui sont ineptes ; c'est à
peine s'il se défend. Il était depuis quatre mois en
prison quand la justice échevinale le condamna à mort.
Il fut exécuté le 4 août 1584 sur la place
Sainte-Pharaïlde. Sa tête qui avait été
exposée au bout d'une pique, ayant roulé au pied de
l'échafaud, le poète latin Maximilien de Vriendt, qu'il
avait frappé en novembre 1583 d'un bannissement, eut le triste
courage de faire sur cet accident une cruelle épigramme. Ce
même poète avait été mieux inspiré
quand il s'était moqué de la folie de Hembyze, qui, le
3 décembre 1583, à l'âge de soixante et dix ans,
étant veuf et grand-père d'une nombreuse progéniture,
avait épousé la jeune et jolie Anne Van Heurne. Le due
de Parme se montra galant envers cette jeune et intéressante
veuve. Aussitôt après la capitulation de Gand, qui eut
lieu le 17 septern- i bre 1584, il lui fit remise des amendes
auxquelles son mari avait été condamné. On ne
saurait en disconvenir, cette gracieuseté du généralissime
espagnol pèse plus lourdement sur la mémoire du tribun
gantois que les quarante-deux chefs d'accusation mis en avant contre
lui par ses concitoyens désillusionnés, et cependant
nous ne pouvons nous défendre de croire qu'il a été
jugé trop sévèrement. Les écrivains
catholiques ou protestants ont été jusqu'ici très
durs pour lui; les premiers parce qu'il a été sans
pitié pour leur doctrine et pour ceux qui la professaient, les
autres parce qu'il a poursuivi le prince d'Orange d'une haine
véritablement farouche. Ce n'est point sa trahison, réelle
ou non, qui fit tomber Gand au pouvoir des Espagnols ; la pauvre
ville était affamée, ne pouvait plus être
secourue, et sa capitulation n'était qu'une affaire de temps.
Nous ne pouvons non pus nous résoudre à mettre sur le
compte de Hembyze l'écrasement final du protestantisme en
Belgique, parce que, ayant pillé les églises de Gand,
détruit les monastères de la Flandre, emprisonné
des évêques et chassé tous les catholiques, ces
derniers s'étaient répandus dans les provinces
wallonnes et avaient si bien excité les populations contre la
paix de religion que la guerre s'était rallumée plus
furieuse que jamais et avait donné la victoire au duc de
Parme. C'est là de l'histoire fantaisiste. La réalité
est assez triste par elle même. Hembyze avait à deux
reprises trahi sa patrie en ne voulant trahir que le prince d'Orange
qui, tout en se trompant parfois, en est demeuré le serviteur
le plus dévoué, le chef le plus habile. C'est là,
croyons-nous, la conclusion à laquelle on arrivera après
avoir consulté avec plus de soin qu'on ne l'a fait jusqu'ici
les correspondances officielles d'Alexandre Farnèse, du comte
palatin lean Casimir et des deux personnages avec lesquels on prétend
que Hembyze a échangé des lettres compromettantes, à
savoir Servais Van Steeland, le bailli du pays de Waes, et Scepperus,
seigneur d'Eecke, qu'il avait eu si longtemps à sa merci,
comme prisonnier, dans le Prinsenhof de Gand.
Charles Rahlenbeek.
Kervyn de Volkaersbeke, Mémoires
sur les troubles de Gand (1577-1579), par F. de Halewyn, Bruxelles,
1865, i vol., in-8".— Voisin, Jean van Hembyze, dans le
Messager des sciences etdes arts, t. III. Gand, 4835. — P.
Bernardus de Jonghe, Gendsche geschiedenissen, enz., van 1565 tot
1585. Gent, s. d. 2 vol. in-42. — W. Te Water, Historié
der herv. kerk te Gent (1578-1584). Utrecht, 1756, 4 vol. 8°. —J.
Vander Haeghen, La Bienvenue de Jehan de Hembyze à Gand.
Bruxelles, 1861, in-8'.
(source dico bio belge)
KETHULLE (François de la ou van
der), seigneur de Ryhove, né au château d'Everstein à
Wondelgem lez-Gand, vers 1531, mort à Utrecht (P), le 15 juin
1585. Il était le second fils de Philippe de la Kethulle,
seigneur de Haverie, Assche, Volckegem,Noorthout, Everstein, etc.,
qui fut plusieurs fois premier échevin de Gand (+ 1545), et de
Françoise de Deurnagele (+ 1574). Lui-même signait
d'ordinaire Franchois de la Kethulle les documents français et
Franchois van der Kethulle ceux conçus en flamand. Déjà
ses contemporains l'appelaient communément le seigneur de
Ryhove ou Ryhove tout court, du nom de sa seigneurie, située
près de Ninove et appelée aussi 't goet te Riest. Du
vivant de son père, il avait hérité de cette
seigneurie, que lui avait léguée sa tante Marie, veuve
sans enfants de Nicolas van der Helle, seigneur de Bavichove. On ne
possède pas de renseignements sur ses premières années.
On sait seulement qu'il avait visité l'Allemagne. Dans son
Apologie, qu'il composa en Angleterre en 1585, il dit « que dès
sa jeunesse avoit esté assez aventureux gentilhomme ».
Ryhove apparaît dans l'histoire pour la première fois en
1576, lorsqu'il fut chargé par les quatre membres de Flandre
de traiter avec N. de Pohveiler, colonel allemand au service du roi
d'Espagne, qui occupait Termonde et Ninove avec quelques troupes
allemandes. Ces mercenaires étrangers, à qui l'on
devait de longs mois de solde, commettaient beaucoup d'excès,
et il était à craindre qu'ils ne se révoltassent
comme les mercenaires espagnols, qui venaient de piller Alost et qui
saccagèrent bientôt, d'une manière si horrible,
l'opulente ville d'Anvers. Plusieurs fois déjà, les
quatre membres de Flandre avaient vainement essayé de négocier
avec Pohveiler pour débarrasser le pays de ces garnisons
indisciplinées. On songea alors à Ryhove ; mais il
commença par refuser cette ingrate et périlleuse
mission ; « car il estoit fort n vivant à son plaisir,
et ne cherchoit nulle ruse ; fort aysé, estant marié «
desjà avecq sa seconde femme (1), tellement qu'il s'avoit à
contenter des biens que Dieu luy avoit . donnés ; a aussy il
n'estoit subject à eulx en aulcune façon et n'avoit à
déservir aucun estât ny office; enfin il estoit libre n
et le refusa pour plusieurs fois ». Les quatre membres
réitérèrent leurs instances et Ryhove finit par
céder. Il se rendit donc à Termonde, et, au bout de
quelque temps, il gagna si bien les bonnes grâces des
mercenaires de Pol-weiler, qu'il réussit à renvoyer la
garnison allemande en payant à chaque soldat un demi-mois de
gagea. Il prétend avoir couru de grands dangers à
Termonde, pendant ces négociations, de la part des soldats
impatients de se faire payer, et il ajoute qu'il a failli aussi y
être retenu prisonnier sur l'ordre de don Juan d'Autriche. Peu
de temps après, il apaisa d'autres mutineries de soldats en
Flandre et en Brabant. Pour le récompenser, les quatre membres
de Flandre lui conférèrent l'office de grand bailli de
Termonde, « sans aulcune poursuite » de sa part, à
ce qu'il déclare dans son Apologie, ajoutant avec insistance :
Lequel il ne désiroit accepter, aymant « mieulx sans
aucune ruse passer son temps et se donner du bon temps ; mais enfin,
considérant à quoy les affaires du pays tendoient,
aucuns patriots l'ont tant pressé qu'il accepta. » Tels
furent ses débuts dans les affaires et dans les fonctions
publiques. Il était âgé alors d'environ 45 ans.
Peut-être avait-il déjà joué un certain
rôle au mois de septembre 1576 lorsque son frère aîné,
Guillaume de la Kethulle, seigneur d'Assche, ouvrit aux troupes
envoyées par le prince d'Qrange les portes de la ville de Gand
; mais aucun contemporain ne parle explicitement de lui à ce
propos et lui-même n'en souffle mot dans son Apologie. Il y dit
seulement qu'il approuva hautement son frère et se rendit par
là suspect aux « traîtres ». D'ailleurs, la
vie politique de Ryhove ne commence, en réalité, qu'à
l'époque des premiers troubles qui accompagnèrent le
triomphe éphémère des calvinistes à Gand.
Il était déjà grand bailli de la ville et du
pays de Termonde. Avec le seigneur Jean d'Hembyze, il se mit à
la tête de la faction anticatholique et s'y signala, du premier
coup, par son audace et son énergie. S'il faut en croire ses
paroles, la crainte « qu'on luy joueroit un mauvais tour »
l'engagea à prendre cette attitude et à faire «
quelque notable acte qui pourvoit redonder au service de la patrie et
à son honneur... Voyant les choses aller ainsy, révoltant
beaucoup en son .esprit, il ne scavoit ny boire ny menger ni dormir
». En 1577, le duc d'Aerschot avait été nommé
gouverneur de la Flandre par les Etats généraux. Cette
nomination ne devait pas plaire aux partisans du prince d'Orange; le
duc, en effet, s'était toujours montré l'adversaire
déclaré de Guillaume le Taciturne. Aussi, dès
qu'il fit son entrée à Gand, Ryhove, d'accord avec
Hembyze, excita contre lui les gens des métiers et les classes
inférieures de la bourgeoisie; il s'efforça, par tous
les moyens, d'amener une révolte et il prit prétexte de
ce que les anciens privilèges de la commune, dont la
résolution des Etats généraux des 21 et 22
octobre 15 76 ordonnait le rétablissement, n'étaient
pas encore remis en vigueur par le duc d'Aerschot. Hembyze et Ryhove
méditèrent un grand coup ; mais celui-ci alla soumettre
tout d'abord son projet au prince d'Orange. I1 se rend secrètement
à Anvers et y trouve le Taciturne; le prince, l'interrogeant
sur'la situation de Gand, lui dit : « Eh bien, quel remède?
» — « Monseigneur, je ne scay qu'ung remède
», répond Ryhove, « qu'est de chasser le nouveau
gouverneur le ducq d'Arscot, avecq tous ses assistens,
nobles,évesques, abbés et toute la couvée. »
— « Comment allez-vous ainsi à la desmolade ? »
réplique le prince. Ryhove dit qu'il aimait mieux mourir
vaillamment et attendre son secours de Dieu « que de vivre en
esclave et en telle tribulation. » — « Je remectrai
tout à la main de Dieu » , dit-il, « et
j'inciterai la commune à vindicer leur liberté et
privilèges qu'on les prétend jamais restituer. »
Le prince replicque: «Cela ne se peult faire ainsy », et
le rejette bien loing. Cependant le prince dict: « Je penseray
encore sur cecy. » Le lendemain, Ryhove se présente de
nouveau devant le Taciturne et lui soumet, encore une fois, son
projet d'arrêter le duc d'Aerschot. Ryhove rapporte, dans son
Apologie, que le prince lui demanda « s'il avoit encore le
courage d'attempter et entreprendre ung cas si mal basty et de si
grande importance et tant hasardeux.» Malgré les
protestations réitérées de Ryhove, le prince
feignit de le détourner de son projet, sans doute pour qu'on
ne pût dire plus tard qu'il avait approuvé les desseins
audacieux du fameux agitateur gantois. Celui-ci affirme, d'ailleurs,
que le Taciturne envoya « pardessoubs la main» Marnix de
Sainte-Aldegonde, son conseiller intime,
pour engager secrètement Ryhove à exécuter son
projet. Il lui fit dire que « s'il avoit le cœur de ce
faire, il exécuteroit sans plus de parolles ». François
de la Kethulle s'embarqua aussitôt sur l'Escaut pour Termonde,
accompagné de Van Royen, bourgmestre de cette ville; arrivé
à Termonde, il prit avec lui quatre mousquetiers et se rendit
en hâte à Gand, où déjà le peuple
murmurait contre le duc d'Aerschot. parce qu'il avait brutalement
repoussé Hembyze, lorsque celui-ci lui avait demandé la
restitution des anciens privilèges. Aussitôt rentré,
Ryliove s'arme avec quelques serviteurs, descend dans la rue et crie
à ses voisins et amis : « Ceulx qui m'aiment, qu'ils me
suivent ! » Puis il va droit à la maison d'Hembyze.
Celui-ci lui apprend que la révolte, qui avait fait mine
d'éclater le jour même, s'était assoupie. «
Or sus »,dit Ryhove, « il fault réparer la faulte
et que chacun sollicite derechef ses amis et ses favorits pour se
mettre en armes ; et je me metteray ung des premiers sur les rues
pour la liberté du pays; et jetons ce joug de servitude de
no'stre col et renversons du tout ceste maudite inquisition
d'E'spaigne qu'on . veult introduire icy, et chassons tous ces
evesques nouveaux au diable ! » Hembyze et quelques amis se
laissent persuader et vont assembler leurs hommes de confiance. «
Ils estoient suivis d'ung petit nombre; la plus grand part
deinouroient en leurs maisons, ne sachant de quel costé qu'ils
se vouloient tenir. » Ryhove ne perd pas courage et se dirige
avec eux vers la prévôté de Saint-Bavon, où
était logé le duc d'Aerschot. En route, ils s'emparent
de l'hôtel de ville et arrivent, vers onze heures, au logement
du gouverneur de la Flandre. Les gens du duc veulent les empêcher
d'entrer. Ryhove, furieux de rencontrer de la résistance,
s'écrie : « Bruslons les oyseaulx en leur nid ! »
Surpris et effrayé, le duc d'Aerschot saute à bas de
son lit et commande d'ouvrir la porte; mais aussitôt il est
fait prisonnier par Ryhove lui même, qui est obligé de
la protéger contre la foule exaspérée, et on le
mène à la maison de Ryhove, le Serbraemsteen, situé
dans la Onder strate ou rue Basse, sans lui laisser le temps de
s'habiller. Plusieurs autres grands personnages du parti catholique
furent arrêtés cette même nuit (28 octobre 1577)
ou les jours suivants : tous furent conduits au Serbraemsteen, et,
notamment. François de Halewyn, seigneur de Zweveghem ;
Ferdinand de la Barre, seigneur de Mouscron, grand bailli de Gand;
Maximilien Vilain, baron de Rasseghem; le conseiller Jacques Hessels;
Martin Rithovius, évèque d'Ypres, et Rémi
Driutius, évêque de Bruges, qui étaient tous plus
ou moins hostiles à la politique du prince d'Orange. Pour
empêcher une réaction à Gand même en faveur
des prisonniers, Ryhove avoue qu'il a fait « en toute diligence
enrouller trois cents vagabonds en la ville et leur donner les armes
en mains ». La nouvelle de cet attentat, commis sur des
personnages aussi considérables et qui de plus étaient
inviolables en tant qu'ils remplissaient alors à Gand les
fonctions de membres des Etats de Flandre, causa partout beaucoup
d'émotion. Les Etats généraux envoyèrent
à Gand des députés pour protester contre
l'arrestation des seigneurs catholiques et pour demander leur mise en
liberté immédiate. Les Etats généraux
écrivirent même au prince d'Orange une lettre pressante
pour qu'il se rendît à Bruxelles, et ils lui députèrent
Philippe vander Meren, seigneur de Saventhem, avec le secrétaire
Jean Asseliers, pour lui demander de faire une démarche auprès
des Gantois en faveur des seigneurs prisonniers. Cependant Ryhove
n'était pas du tout d'avis de remettre en liberté ceux
qu'il détenait dans son hôtel; deux jours après
l'arrestation du duc d'Aerschot, il reçut encore des renforts
de la Zélande, et il fit prêter serment de fidélité
aux milices communales ; alors, maître de la ville, il
institua, sur le modèle de ce qui avait été fait
à Bruxelles, une commission extraordinaire composée de
dix-huit calvinistes, qui prit la direction générale
des affaires (1er novembre 1577). Dès lors, on remit en
vigueur les anciens privilèges confisqués par
Charles-Quint en 1540, après la révolte des Gantois, et
on gouverna en faveur des anciens proscrits du duc d'Albe, revenus en
masse, aigris par l'exil et par les cruelles persécutions dont
eux-mêmes, leurs proches et leurs coreligionnaires avaient été
victimes. Ce ne fut que le 10 novembre 1577, que Ryhove et ses amis,
cédant aux instances réitérées des Etats
généraux, du prince d'Orange, des quatre membres de
Flandre et de la ville d'Anvers, consentirent à relâcher
le duc d'Aerschot; mais tous les autres seigneurs restèrent
prisonniers pendant assez longtemps encore. La conduite de Ryhove à
l'égard de ces derniers fut loin d'être magnanime :
grâce aux Mémoires de François de Halewyn, nous
savons qu'il les traita avec une brutalité haineuse. Halewyn
l'accuse même d'avoir pris plaisir à leur inspirer de
fausses terreurs au sujet des dangers qui les menaçaient. Un
jour que plusieurs corps de troupes parcouraient la ville, Ryhove
alla le visiter ; comme le seigneur de Zweveghem lui demandait ce que
signifiaient tant de tambourins que l'on entendait par les rues,
Ryhove lui répondit que c'étaient cinq compagnies de
bourgeois qui venaient pour massacrer les prisonniers; et il sortit
de la chambre en laissant Halewyn » en telle appréhension
». Sa sœur Jeanne de la Kethulle, veuve de Louis de
Walle, seigneur de Mortaigne, usa également de menaces à
l'égard des prisonniers. Enfin, Ryhove força plus tard,
en avril 1579, les seigneurs prisonniers à lui payer des
sommes exorbitantes pour les dépenses qu'il disait avoir
faites à l'occasion de leur logement et de leur entretien. Le
prince d'Orange arriva, le 29 novembre 1577, au milieu des Gantois,
qui venaient de se prononcer pour lui avec tant d'énergie.
Ryhove et Hembyze, suivis du magistrat et de toutes les autorités
de la ville, le reçurent en grande pompe au milieu d'une
population enthousiaste. Le Taciturne présida au
renouvellement du magistrat et Jean d'Hembyze fut nommé
premier échevin. Peu de temps après la visite du prince
d'Orange, Ryhove prit à cœur d'attirer dans son parti
toutes les villes de la Flandre. Il résolut de commencer par
Bruges, où dominait la faction catholique; d'ailleurs, les
Brugeois n'étaient pas bien disposés envers les Gantois
qui venaient de commencer à molester le clergé et ses
fidèles ; c'est pourquoi Ryhove et son frère aîné,
Guillaume de la Kethulle, seigneur d'Assehe, résolurent de
recourir à la force. Le 19 mars 1578, le seigneur d'Assehe,
colonel de Gand, et Ryhove lui-même, accompagnés de 100
cavaliers et de 1,000 fantassins, marchent nuitamment sur Bruges, où
ils arrivent le lendemain, vers quatre heures du matin, devant la
Kruispoort. Le commandant brugeois Gilles Mostaert, partisan du
prince d'Orange, était entré en relations avec Ryhove
et lui avait assuré son appui; il lui ouvre aussitôt la
porte de la ville et Ryhove, suivi de ses soldats, se rend droit à
la place du Bourg et entre à l'hôtel de ville, où
il trouve le magistrat, qui s'y était assemblé en hâte
à la nouvelle de l'entrée des Gantois. Ryhove s'assied
à côté du bourgmestre et déclare que
l'archiduc Mathias et les Etats généraux l'ont chargé
de s'assurer de Bruges et de changer la forme du gouvernement de la
ville, ainsi que cela s'était fait à Gand. Aucun des
membres du magistrat brugeois n'osa protester, la salle étant
occupée militairement, et Ryhove installa immédiatement
une commission des dix-huit. Cela fait, il divisa ses soldats en
petites troupes qu'il fit héberger par les catholiques les
plus en vue et par les couvents. Il resta à Bruges jusqu'au 7
avril; avant de partir, il renouvela complètement le
magistrat, sous prétexte qu'il en avait reçu l'ordre de
l'archiduc Mathias ; pendant ce temps on pillait les églises
de Sainte-Croix et de Sainte-Catherine, ainsi que plusieurs
couvents.Van Campene dit qu'il se surmena à Bruges et que la
fatigue le rendit malade. Ryhove insinue, dans son Apologie, qu'il
fut victime d'une tentative d'empoisonnement. Le 8 avril 1578, il
rentra à Gand, couché dans une litière, et il y
fut reçu avec enthousiasme par les soldats, qui le
conduisirent jusqu'à sa demeure en tirant des salves de
mousqueterie. En toute-circonstance, l'armée se montrait fort
attachée à Ryhove : c'est ainsi que, le 1er et le 3 du
mois suivant, les soldats vinrent planter joyeusement « l'arbre
de mai » devant son hôtel de la rue Basse. Il veillait
avec soin à la bonne organisation de l'armée gantoise.
Le 10 mai 1578, il voulut même éprouver la valeur de ses
soldats : pendant la nuit, i1 fit battre le tambour , tirer un coup
de canon et décharger des mousquets; bourgeois et soldats se
mirent aussitôt en armes et vinrent se ranger devant l'hôtel
de ville, devant la prison des seigneurs catholiques, au marché
et aux portes de la ville. Cette fausse alarme causa malheureusement
la vie à quelques personnes : « Plusieurs femmes
enceintes », dit Van Campene, « ac-couchèrent
avant le temps ; d'autres moururent de peur. » Et les
pasquilles catholiques donnèrent à l'auteur de cette
alerte nocturne le sobriquet ironique d' alaermslaghere. Les
calvinistes dominaient de plus en plus la ville de Gand et leurs
pasteurs s'étaient mis à prêcher publiquement.
D'un autre côté, les moines et le clergé étaient
sans cesse molestés. Le 18 mai 1578, jour de la Pentecôte,
on s'attaqua ouvertement aux monastères, et les soldats de
Ryhove saccagèrent le couvent des Dominicains avec sa
complicité et celle des dix-huit, s'il faut en croire Van
Campene. Ryhove, d'autre part, d'accord avec Hembyze et les dix-huit,
démit de leurs * fonctions plusieurs de ceux qui étaient
suspects aux protestants, et les remplaça par des calvinistes
(18 juillet 1578). Il continuait à faire, en Flandre, de
petites expéditions de ville en ville pour amener celles-ci
dans le parti du prince d'Orange; mais, le 1er août 1578, il
s'en revint de Lille, dont il avait tenté en vain de
s'emparer. Vers le même temps, on amena à Gand Frédéric
Per-renot, seigneur de Champagny, frère du cardinal Granvelle,
liv-ré comme prisonnier aux Gantois par le magistrat de
Bruxelles. Champagny fut conduit à la maison de Ryhove, que
les seigneurs prisonniers avaient quittée pour la Cour du
Prince et pour la prison communale du Châtelet. Le 25
septembre, on emprisonna, aussi au Serbraewstèen la veuve du
seigneur de Glayon, chevalier de la Toison d'or, avec ses filles et
ses dames d'honneur. Le vaste hôtel de Ryhove servait ainsi
sans cesse de prison d'Etat aux calvinistes gantois. Ici se place,
dans la vie de Ryhove, un a.cte qui a révolté la
postérité plus encore que les contemporains, parce que
ceux-ci étaient blasés en fait de cruautés par
l'inquisition et par le duc d'Albe. Parmi les seigneurs prisonniers
se trouvait le conseiller Jacques Hessels, vieillard de
soixante-douze ans, qui, sous le règne de Charles-Quint, avait
persécuté les protestants des diverses sectes avec une
rigueur implacable; il avait fait partie plus tard de l'odieux
Conseil des Troubles du duc d'Albe, et c'est lui qui avait rédigé
la sentence de mort des infortunés comtes d'Egmont et de
Homes. Les calvinistes gantois, dont il avait traqué et fait
brûler les proches et les amis, l'avaient en horreur. Un de ses
compagnons de captivité, Jean de Visch, bailli d'Ingelmunster,
leur était aussi odieux pour des motifs analogues. Ryhove, qui
était sur le point de partir pour Courtrai à la tête
d'un petit corps d'armée, résolut de mettre ces deux
ennemis acharnés des protestants dans l'impossibilité
de leur nuire à l'avenir. Il raconte lui-même dans son
Apologie qu'il s'en ouvrit à son ami Hembyze et à
quelques hommes sûrs : « Je m'en va asteure vers Courtray
», leur dit-il. « Je puis mourir à la guerre ou de
maladie. Nous dé-tenons icy prisonniers les deux tirans Hessel
et Visch, qui ont toujours esté contraires à poursuivre
les gens de la religion. Si a Hessel prononcé la sentence de
monseigneur le comte d'Egmont et de monseigneur le comte d'Home, mon
bon maître, et a sou-ventes fois menacé le prince
d'Orenge le tirer à l'extendre un pied plus long qu'il estoit.
Il me feroit mal de mourir que telle peste me survi-veroit. Partant,
si vous trouvez bon (ils ont faict mourir tant maints inno-cents sans
forme aucune de justice), je les prendray avec moy et les attache.
ray à un arbre. » Hembyze et ses amis . l'approuvèrent,
car Hessels dans sa prison jurait, disait-on, par sa barbe grise, de
les faire tous pendre un jour. Il aurait même dit à
Ryhove un an auparavant : « Jamais vous ne porterez barbe si
blanche que moi. » Le 4 octobre 1578, de bon matin, Ryhove
donna l'ordre à Guillaume van der Meulen, prévôt
de son régiment, de lui amener Hessels et de Visch, qui
étaient détenus au Châtelet. Hessels voulut
s'habiller pour paraître devant Ryhove et » changer de
mules «, comme le rapporte Halewyn dans ses Mémoires;
mais le prévôt lui dit qu'elles n'étaient que
trop bonnes pour le chemin qu'il avait à faire. On fit monter
Hessels et de Visch dans une voiture qui passait et qu'un gentilhomme
avait louée pour aller à Courtrai avec sa femme. Ryhove
et sa troupe les conduisirent ainsi à une demi-lieue hors de
la ville, à la barrière de Saint-Denis-Westrem, au lieu
dit Maelte, où se trouvait un massif de chênes. Là
on les fait descendre, on dépouille Hessels de sa robe de nuit
et on le fait monter sur une échelle dressée contre un
chêne. Par une cruelle ironie, Ryhove lui . fit alors couper sa
longue barbe blanche par un barbier, et, la répartissant en
trois, il en mit une partie sur son chapeau et donna le reste au
capitaine Myghem et à un troisième, qui, à leur
tour, en parèrent leur chapeau. Puis, il fit pendre Hessels et
de Visch à l'instant même, sans confession et sans autre
forme de procès. En manière d'oraison funèbre,
Ryhove s'écrie dans son Apologie : « Pleust à
Dieu qu'on en eust encore pendu beaucoup de telle farine de gens ! Le
pays s'eust mieulx. porté. » Les contemporains
catholiques, dans leurs chansons indignées, le nommèrent
l'assassin (den moordre) et le comparèrent à Néron.
D'après les Mémoires de Halewyn, Ryhove porta encore
pendant plusieurs jours les flocons de la barbe blanche de Hessels à
son chapeau, et « faisoit largesse de quelcque poil d'icelle à
aulcuns de son humeur, pour en décorer aussy leur chappeau,
et, entre les aultres, au seigneur de Vychte, par lui faict colonnel
de queleques compagnies de paysans. » De son côté,
le capitaine Myghem serait allé, le 5 octobre, menacer les
seigneurs catholiques dans leur prison en leur faisant entrevoir pour
eux-mêmes le sort de celui « duquel j'ay charge »,
dit-il, « de vous espandre icy la barbe » ; et en ce
disant, il la sépara et sema parmy la salle aux pieds des
prisonniers. » S'il faut en croire les satires politiques
composées par ses ennemis, Ryhove regretta bientôt ce
qu'il avait fait et fut rongé par le remords. Cependant,
Hembyze, appuyé sur les pasteurs et sur les calvinistes
ardents, persécutait sans cesse les catholiques auxquels on
avait interdit la célébration publique de leur culte
dans les églises, celles-ci avaient été cédées
aux protestants ou employées à d'autres usages. Le 9
novembre 15 78, le ministre calviniste Hermân Busschius prêcha,
à Saint-Bavon, que le catholicisme était une idolâtrie
que l'autorité ne pouvait tolérer, et que les
catholiques devaient s'estimer heureux de conserver la vie, alors
que, peu d'années auparavant, ils livraient les protestants
aux flammes. En même temps, les Etats généraux
avaient envoyé leurs députés à Gand pour
faire cesser ces excès. Ils exigeaient la restitution des
biens ecclésiastiques saisis, le rétablissement du
culte catholique dans plusieurs églises et la mise en .
liberté desévêques de Bruges et d'Ypres. Hembyze
s'y opposa énergiquement et entraîna le magistrat à.
résister aux injonctions formelles des Etats généraux,
qui agissaient d'accord avec l'archiduc Mathias et le prince d'Orange
(13 novembre 1578). C'est alors que se produit un revirement décisif
dans laconduite de Ryhove : lui qui, jusqu'alors, avait été
parmi les adversaires les plus acharnés des catholiques et qui
avait commis ou laissé commettre tant d'excès contre
eux, devint aussitôt le partisan de la modération et
l'ennemi d'Hembyze, qui ne voulait faire aucune concession aux
catholiques. Ce changement de politique de Ryhove fut dû sans
aucun doute à l'influence que le prince d'Orange exerçait
sur lui ; il se mit à la tête d'un nouveau parti,
inclinant à la pacification religieuse et appuyé
surtout sur les échevins des par-chons et sur les notables,
qui avaient compris, comme le, Taciturne, que l'intolérance
des protestants gantois, si elle se prolongeait, amènerait la
ruine du pays et la perte de l'indépendance nationale. Dès
ce moment, l'entente la plus parfaite existe entre le prince et
Ryhove; et celui-ci montre dans la suite, à l'égard du
Taciturne, une obéissance passive, une docilité à
toute épreuve. Il le proclame hautement lui-même dans
son Apo. logie : « II se gouverne du tout selon le commandement
du prince d'Orange. » Mais Ryhove rencontra une résistance
énergique dans la personne de son ancien ami Hembyze.qui
s'appuyait sur les ministres protestants, sur les calvinistes ardents
et sur la populace, dans le but de maintenir son pouvoir dictatorial
comme premier échevin de Gand. Malgré les instances de
ses propres frères, de Ryhove et de beaucoup de « gens
de bien », Hembyze refusa itérativement de se conformer
aux ordres du prince d'Orange et des Etats généraux : «
II rejettoit tout, » dit Ryhove dans son Apologie, « et
ne voloit en aucune manière prester deue obédience. »
S'il faut en croire la même Apologie, le prince d'Orange
résolut alors d'agir énergiquement contre Hembyze; il
écrivit à Ryhove et à plusieurs autres
personnages qu'il fallait le faire arrêter. Ryhove dit avoir
été « fort esbahy du contenu de la lettre ».
Le lendemain matin (18 novembre 1578), ses soldats vinrent se ranger
devant son hôtel, où Hembyze devait se rendre pour
conférer avec le magistrat. Lorsque le premier échevin
arrive, Ryhove le prend à part et le conduit dans une galerie
avec son frère, Roland d'Hembyze, secrétaire de la
ville, qui avait épousé Adrienne de la Kethulle, propre
sœur de Ryhove. Tous deux conjurent le chef des calvinistes
irréconciliables de cesser son opposition factieuse contre les
Etats généraux et le prince d'Orange. Mais Jean
d'Hembyze reste sourd à leurs instances. Enfin , Ryhove lui
dit : « Vous estes mon amy; mais nous ne nous voulons tous
perdre pour vous; et luy présenta la lettre et à son
frère que le prince avoit escript. » Aussitôt
Hembyze veut s'enfuir, mais Ryhove lui déclare qu'il ne
sortira que s'il promet au moins au magistrat qu'il présentera
des excuses au prince d'Orange. Pendant ce temps, un des serviteurs
d'Hembyze, ayant eu vent de ce qui se passait, sort de l'hôtel
de Ryhove et va répandre l'alarme parmi ses adhérents.
Les deux partis prennent les armes et Ryhove est obligé de
relacher Hembyze. Le tumulte se prolongea jusqu'au soir, et Pierre
Dathenus, l'un des pasteurs les plus fougueux, prenant peur, se fit
ouvrir une porte de la ville et s'enfuit en Allemagne. Quelques jours
après, Ryhove fut cité à comparaître à
l'hôtel de ville devant le magistrat. Hembyze, qui présidait
l'assemblée, « et estoit à la fois accusateur,
examinateur et juge », lui demanda compte de l'émeute
qu'il avait provoquée. Ryhove en rejeta la faute sur son
accusateur, qui avait refusé d'obéir au prince
d'Orange,quoique par amitié Ryhove ne l'eût pas fait
arrêter en traître, mais lui eût montré la
lettre. Hembyze nia avoir reçu communication de cette lettre,
et Ryhove fut obligé d'appeler en témoignage Roland
d'Hembyze, le seul témoin de leur entretien, qui ne s'en fit
pas prier. « Vous estes », dict-il au sieur d'Ymbize, «
mon frère, et j'ay espousé. la sœur de Ryhove;
mais j'atteste en foy de gentil-homme que vous les avez leues et moy
aussy dedans la gallerie. » Hembyze, convaincu d'imposture,
entra dans une grande colère, et tentant de couper court par
un trait d'audace, il s'écria : « Monsieur de Ryhove,
messieurs qui sont icy trouvent bon que vous vous retirez à la
chambre du concierge. » — Ryhove répondit: «
J'entens bien; ce seroit en prison. Il n'y a nulle prison pour moy. »
Et il porta la main à son épée. Là-dessus
les échevins présents s'efforcèrent d'empêcher
les deux adversaires d'en venir aux mains; grâce à
l'intervention de Josse Triest et de Vleeschauwer,, une
réconciliation eut lieu sur-le-champ ; Ryhove et Hembyze se
donnèrent la main, s'embrassèrent et burent, «
comme on dit, la paix, pour confirmer leur amitié, à la
mode du pays.». Ce n'était, il fallait s'y attendre,
qu'une réconciliation apparente : la tentative faite par
Ryhove dans le but d'arrêter le chef du parti calviniste, avait
eu pour résultat de rendre plus sensible encore la scission
qui s'était produite entre les Gantois. L'agitation continua
les jours suivants dans les rues, et les troupes de Ryhove semblent
n'avoir contenu les ultra-calvinistes, qu'en occupant militairement
les points principaux de la ville avec des canons chargés à
mitraille, et en tendant les chaînes dans les grandes voies de
communication. Ryhove ne parvint cependant pas à dominer
définitivement la situation; il se rendit alors à
Anvers, auprès du prince d'Orange, pour lui demander conseil :
le prince promit de se rendre à Gand, afin d'y rétablir
la concorde parmi les bourgeois. Le 2 décembre 1578, le
Taciturne, accompagné du comte palatin Casimir, y fit son
entrée solennelle. On forma alors, une commission de treize
délégués, pris parmi les échevins des
deux bancs et parmi les trois membres de la ville, afin de traiter
avec le prince d'Orange. Un accord fut bientôt conclu. Hembyze,
qui faisait partie de cette commission, s'inclina devant les volontés
du prince, et trois points furent arrêtés :1° la
tolérance religieuse sera garantie aux deux cultes ; 2°
les seigneurs prisonniers seront conduits « in neutrale
plaetsen » ; 3° la ville de Gand restera dans l'union,
générale des provinces et concourra à la défense
commume du pays. Le parti de Ryhove, qui, dès le mois de
novembre, aurait voulu faire accepter la Paix de religion, remportait
donc l'avantage, grâce à l'intervention énergique
du Taciturne. Cette Paix de religion fut ratifiée par la
Collace, le 16 décembre 1578, et, le 27 du même mois, le
prince d'Orange la fit publier solennellementdevant le peuple, du
haut de l'hôtel de ville ; elle fut imprimée, répandue
dans le public et distribuée aux échevins et aux
députés des trois membres de la ville. En voici la
teneur succincte : Le libre exercice des deux religions rivales est
autorisé ; catholiques et protestants reçoivent six
églises pour y célébrer publiquement leur culte
en plein jour, sans faire de processions à l'extérieur;
les ordres monastiques cloîtrés célébreront
leurs offices dans leurs couvents, à portes fermées;
les locaux scolaires seront attribués, par parts égales,
aux catholiques et aux protestants; les sermons injurieux, les
chansons satiriques, les attaques de toute nature sont sévèrement
défendus de part et d'autre ; quatre notables catholiques et
quatre notables protestants veilleront à l'observation de ces
prescriptions de concert avec les échevins; les fonctionnaires
civils et militaires, les ministres protestants et les dignitaires du
clergé catholique promettront sous serment de ne pas
enfreindre cette Paix de religion. Le 1er janvier 1579,'le culte
catholique fut rétabli. Ryhove et ses adhérents
triomphaient. Le 7 janvier, il présida à l'entrée
solennelle de la princesse d'Orange, et les deux illustres époux
restèrent à Gand jusqu'au 19 du même mois. Mais
le parti radical, dirigé par Hembyze,ne s'était soumis
qu'en apparence : peu de temps après, l'agitation
anticatholique recommença; le 10 mars 1579, plusieurs
calvinistes se mirent à chasser les prêtres des églises
qui avaient été rendues aux catholiques, et à y
briser les images. Pendant la semaine sainte, les catholiques gantois
furent même obligés de se rendre à Anvers et à
Alost pour y faire leurs Pâques. Les seigneurs et les évêques
prisonniers, que Ryhove avait conduits à Termonde en janvier,
furent brutalement ramenés par lui à Gand, où la
populace et les enfants les huèrent sur leur passage jusqu'à
la Cour du Prince (1 er avril 1579). En juillet, tous les
fonctionnaires de la ville furent obligés de faire une
profession de foi protestante : ceux qui refusèrent, reçurent
leur démission.Ryhove, craignant d'être arrêté,
quitta précipitamment la ville, le lendemain même des
noces de sa fille Catherine, qui venait d'épouser Jean de
Fiennes, seigneur d'Hersecques. L'autorité d'Hembyze
s'accroissant de jour en jour, il se crut assez puissant pour faire
un coup d'Etat. Le 28 juillet 1579, il ordonna de fermer toutes les
portes, se rendit à l'hôtel de ville, procéda
lui-même, avant l'époque régulière, au
renouvellement du magistrat, et, quoiqu'il ne fût pas
rééligible, il se fit continuer dans la charge de
premier échevin. Cependant les nouveaux magistrats nommés
par Hembyze n'agirent pas suivant ses désirs, lorsqu'il fallut
répondre à une lettre que le prince d'Orange leur avait
adressée : en effet, malgré l'opposition formelle
d'Hembyze, ils résolurent d'inviter le Taciturne à se
rendre à Gand. C'est à cette occasion qu'Hembyze accusa
le prince d'Orange de vouloir placer les Gantois sous la domination
française. Dès le commencement de la dictature
d'Hembyze, Ryhove avait été mandé à
Anvers auprès du prince d'Orange, pour conférer avec
lui. D'ailleurs, le parti modéré était très
mécontent et conjurait le prince de se rendre à Gand.
Le Taciturne annonça bientôt son arrivée, et, le
18 août 15 79, il fit son entrée solennelle. Les
dix-liuit, Hembyze et tous ceux qui avaient reçu quelque
charge de lui, furent déposés; ses gardes furent
désarmés et le magistrat fut régulièrement
renouvelé (20 août). Mais, le 26, la populace calviniste
envahit l'hôtel de ville, réclamant le retour d'Hembyze
à la tête du magistrat; et, excitée par certains
ministres calvinistes, elle alla faire des manifestations hostiles
sous les fenêtres du prince d'Orange. L'émeute fut
cependant vaincue sans peine; et Hembyze, à qui le prince
d'Orange avait pardonné son coup d'Etat sur les instances de
Ryhove et de plusieurs notables, s'humilia, quitta la ville et se
réfugia en Allemagne, au château de Frankenthal, auprès
de l'électeur palatin, qui avait déjà accueilli
Dathenus. D'après l'Apologie, Hembyze aurait dit en partant :
« Je m'en vay; je vous prie, adhérés entre vous
tousjours à Ryhove, car je l'ay trouvé bien affectionné
à la cause du pays et est de bon conseil. Je me respens bien
que je n'ay sou-ventesfois suivy son conseil ». Mais les
calvinistes exaltés continuèrent à molester les
catholiques et à envenimer les choses. D'autre part, les
Malcontents s'approchaient déjà de Gand, et Ryhove
guerroyait sans cesse contre eux par toute la Flandre, dans des
escarmouches obscures et souvent malheureuses. A Gand,il était
le personnage principal depuis l'exil d'Hembyze. Le 14 mars 1580,
nous le voyons, accompagné de sa cavalerie, recevoir
solennellement le ' jeune prince de Condé ; le 7 juillet,
celui-ci repousse, avec Ryhove, un grand assaut nocturne tenté
par surprise par l'armée des Malcontents, qui avaient des
intelligences secrètes parmi les catholiques gantois. Le 13
août 1580, Ryhove reçoit en grande pompe le Taciturne,
qui arrivait à Gand pour le renouvellement annuel du magistrat
; et, le 1er septembre, il est nommé par lui grand bailli de
la ville de Gand, ce qui grandit encore sa situation déjà
si considérable; le 30, nous le voyons assister comme tel à
l'exécution d'un condamné. En même temps,Ryhove
se trouvait à la tête des forces militaires de la ville
et réclamait des sommes énormes pour l'entretien de ses
troupes; peut-être s'en réserva-t-il une partie pour son
usage personnel; en toutcas, ses ennemis chansonnèrent plus
d'une fois sa cupidité, qui provoqua même un esclandre
public : le 9 mai 1581, rapporte Van Campene, les capitaines des
mercenaires français lui lancèrent force injures,
tandis que la populace lui reprochait aussi son avidité.
Quoiqu'il en soit, le 31mai 1581, les échevins des deux bancs
et les grands doyens déclarèrent par lettres patentes
que Ryhove méritait une récompense publique pour avoir
préservé Gand, en 1576,. d'un sac semblable à
celui d'Anvers, en licenciant les mercenaires de Polweiler ; pour
avoir maintenu dans l'union la plupart des villes de la Flandre et
pour avoir sans cesse exposé sa vie et l'avenir de ses enfants
clans les expéditions contre les Malcontents; c'est pourquoi
on lui accordait, ainsi qu'à ses fils Philippe et Louis et à
ses filles Catherine et Jeanne, des pensions viagères dont le
total dépassait cinq mille trois cents florins, hypothéqués
sur les biens ecclésiastiques. Ryhove se vante d'avoir obtenu
ces pensions grâce à l'estime dans laquelle le tenait le
prince d'Orange : « Aussy le prince avoit ceste considération
que, si Ryhove eust été prisonnier des ennemis, tout
l'or des Indes ne suffisoit pas pour sa rançon ; car il n'y a
rançon pour luy ». Le 4 juillet 15 81, Ryhove se rendit
à Termonde pour apaiser les dissensions qui avaient éclaté
entre les bourgeois et la garnison. Le 12 août 1581, il alla,
accompagné du magistrat, à la rencontre du prince
d'Orange, et, le 16, il offrit, dans son hôtel de la rue Basse,
un grand banquet au Taciturne. Au mois d'octo- ' bre, le prince
revint encore une fois à Gand, où il fut festoyé
de la même manière par Ryhove. Celui-ci jouissait de
toute sa confiance ; c'est ainsi qu'on voit le prince d'Orange, dans
une lettre du 19 décembre suivant, mettre le magistrat de Gand
en garde contre les traîtres et le prier de faire surveiller
étroitement par Ryhove, les menées de Champagny. En
présence de la tiédeur des princes protestants
d'Allemagne et des hésitations de la reine d'Angleterre, le
prince d'Orange se décida à s'appuyer sur la France et
à appeler le. duc d'Alençon, frère du roi, pour
le mettre à la tête des Pays-Bas. Ce prince catholique
inspirait de vives méfiances aux calvinistes; de plus,
l'alliance française était très impopulaire dans
les masses, surtout en Flandre. Ryhove, toujours dévoué
au prince d'Orange, le soutint du mieux qu'il put. Et quand le duc
d'Alençon s'avança vers Gand avec le prince d'Orange,
pour y être inauguré comme comte de Flandre, ce fut
Ryhove qui alla le recevoir solennellement, accompagné du
magistrat de la ville, le 20 août 1582. En sa qualité de
grand-bailli, il portait devant le. duc d'Alençon la longue
verge blanche de justice. Mais au mois de janvier suivant, Alençon,
trompant le prince d'Orange et tous ceux qui avaient eu foi en lui,
tenta son coup d'Etat et échoua dans la Furie française,
à Anvers. Il dut quitter cette ville avec une partie de ses
troupes et se réfugia aux environs de Gand; Ryhove, comme chef
de l'armée gantoise, fit tous ses efforts pour protéger
la ville contre les soldats de celui qu'il avait reçu six mois
auparavant en grande pompe et devant qui il avait porté la
verge de justice. Sur ces entrefaites, Alexandre Farnèse,
prince de Parme, l'habile gouverneur général de
Philippe II, proposa aux Gantois irrités de négocier
une réconciliation avec l'Espagne. Ryhove, resté
inébranlable dans sa fidélité aux Etats généraux
et au prince d'Orange, s'y opposa énergiquement. Il voulait
renvoyer, sans les ouvrir, les lettres qui étaient adressées
par Farnèse au magistrat de la ville; mais celui-ci en décida
autrement. D'autres lettres suivirent, et Ryhove raconte lui-même
qu'un jour il s'empara de celles qu'un tambourin du prince de Parme
apportait; il les déchira et les brûla à
l'instant même. Comme le messager lui demandait une réponse,
il s'écria : « Fault-il autre response? Dictes au prince
de l'arme que je sau-roye autant brusler en une heure que tous ses
secrétaires sauraient escripre en ungan entier ». Mais
le magistrat, les doyens des métiers, les colonels et les
capitaines de la ville furent mécontents des agissements de
Ryhove, et on continua malgré lui les négociations avec
l'ennemi espagnol. S'il faut en croire Ryhove, les partisans de la
réconciliation avec le prince de Parme auraient même
comploté de laisser surprendre la ville par les Malcontents,
dès le mois d'octobre 1582. Faisant un jour sa ronde sur le
rempart, il entend un bruit suspect, éperonne son cheval et
arrive à l'endroit où l'ennemi avait massé ses
troupes. Ryhove les repoussa à coups de canon ; mais il ne
récolta que des reproches de la part de ceux, qui auraient
voulu voir réussir la surprise, afin de conclure la paix avec
l'Espagne. Cependant l'in-rluence du prince d'Orange baissait de jour
en jour à Gand : « L'aigreur croist contre le prince
pour le mal que les Franchois avoient faict, et aulcuns tant de la
religion que du magistrat « s'oublient de leur devoir ».
La fidélité de Ryhove, qu'on essaye en vain de faire
fléchir par la corruption, à ce qu'il affirme, le rend
odieux, ses ennemis « faisant entendre que feraient bien une
bonne paix, mais que Ryhove seul les empeschoit et resistoit à
l'encontre ». Ryhove, découragé, se retire à
Termonde. Après la Furie française d'Anvers,
l'opposition à lapolitique du prince d'Orange était
devenue universelle à Gand. Plusieurs fois, Ryhove s'y rendit
pour tâcher de ramener les esprits au Taciturne ; mais,
deleurcôté, les calvinistes faisaient tous leurs efforts
pour le convertir lui-même : « Ils pensoient persuader à
Ryhove qu'il devoit abandonner le prince et les Estais et qu'il
estoit enfin autrement fort bien aymé de la commune, voire de
tous. Ryhove dict qu'il n'abandonnerait jamais le prince ny les
Estats tant qu'ils maintiendroient la religion, et qu'ung pays ne se
povoit bien porter, lequel ne voloit obéyr aux supérieurs
». Van Cam-pene raconte que, le 16 février 1583, on tint
fermées les portes de la ville, par crainte d'un coup de main
de Ryhove, et que, le 26 mars, le magistrat fit défendre, à
son de trompe, de semer des pasquilles et des chansons injurieuses
contre Ryhove ainsi que contre Alençon et Orange. Dans une
lettre du 9 avril, le Taciturne est obligé d'insister vivement
auprès des échevins de Gand pour qu'on paye la solde
des troupes de Ryhove, restée en souffrance depuis longtemps.
Le même jour, Ryhove écrivait de Termonde au magistrat
gantois une lettre flamande, dans laquelle il se plaint amèrement
d'être laissé sans secours et de se voir refuser
l'argent dû à ses soldats, alors qu'on paye ceux des
autres capitaines au service de la ville. Il s'écrie avec
douleur: « Ie, die ulieden ghetrauwelick ghedient hebbende,
continueeren zal mette r gracie Gots totten doot, blyve vergheeten !
» Le Taciturne, désespérant de ramener l'union et
voyant les armées du duc de Parme faire des progrès
continus en Brabant et en Flandre, quitta Anvers et se retira dans
les provinces septentrionales. Son départ précipita les
choses à Gand. Lors du renouvellement annuel du magistrat, le
14 août 1583, Hembyze absent fut nommé premier échevin
; et quand, suivant l'usage, on proclama du haut de l'hôtel de
ville les noms des nouveaux élus, le peuple accueillit celui
d'Hembyze par des acclamations si bruyantes qu'on n'entendit même
pas les noms des échevins suivants. Mais Hembyze qui était
alors au fond de l'Allemagne, n'arriva à Gand que deux mois
plus tard. Ryhove, auparavant, avait fait une dernière
tentative en faveur de la politique du prince d'Orange. Le 20 octobre
1583, venant de Termonde à la tête d'un fort détachement
de troupes destiné à appuyer sa démarche, il se
présente devant la ville ; mais le magistrat tient les portes
fermées et ne laisse entrer que Ryhove, accompagné de
son lieutenant, après avoir promis de les laisser ressortir
quand bon leur semblerait. Refoulant son dépit et comptant
encore sur son ancienne popularité et sur le dévouement
des « bons », comme il les appelle, Ryhove se présente
devant le magistrat malgré l'heure avancée de la soirée
« pour tousjours les induire à estre constans et léaulx
au prince et à leur patrie, et pour le maintiennement de la
religion ». Dans son Apologie, il rapporte complaisamment le
long discours qu'il prononça alors et qui fut autant un
plaidoyer pro domo que pour la politique du prince d'Orange. Ryhove
se défendit d'être « trop Oraniste » et «
francisé », et conjura les échevins de ne pas se
séparer des Etats généraux ni du Taciturne.
L'échevin Triest lui répondit en attaquant violemment
le prince d'Orange; et, comme « il commençoit faire tard
sur lanuict ». on remit la suite de la délibération
au lendemain. Celle-ci fut reprise « du grand matin » à
l'hôtel de ville ; mais Ryhove y fut éconduit et on
essaya de se débarrasser de lui en lui ordonnant d'aller
occuper Axel et Hulst avec ses soldats. Un jour se passa encore en
négociations vaines; et Ryhove faisait déjà
battre le tambourin pour s'en retourner à Termonde avec sa
petite armée, toujours campée devant Gand, lorsqu'un
batelier lui apprit le retour inopiné d'Hembyze (24 octobre
1583). Par politique, Ryhove court chez lui l'embrasser et le
féliciter; il y trouve Triest et quelques autres; et « à
leur contenance il lui sambloit bien qu'ils praticquoient quelque
chose de sinistre contre luy ou la patrie ». Après
quelques compliments aigres-doux,on se sépare. Ryhove va à
son hôtel et vers midi il envoie demander à Hembyze de
lui faire ouvrir la porte de la ville pour se retirer à
Termonde. Il reçoit les meilleures assurances, mais on le
tient « plus que deux grosses heures » devant la porte
close. Impatienté, il se promenait à cheval sur le
rempart ; plutôt que de se laisser arrêter par son ennemi
mortel il méditait de sauter avec sa monture dans le fossé
: « Sachant qu'il ne povoit faire cela sans grand danger de sa
vie, il réclame Dieu en sa nécessité et il jette
sa veue vers les champs tout alentour de luy ; il regarde encore le
lieu de sa naissance qui estoit ung petit lieu distant de la ville
seulement et le plus prochain village de la Mudeporte par où
il sortoit ». Par un heureux hasard on dut ouvrir la porte,
afin de faire entrer un convoi de chariots. Ryhove aussitôt
piqua des deux et s'enfuit à bride abattue; il était
encore sur le pont-levis, quand un hallebardier ; d'Hembyze, qui
apportait l'ordre de l'arrêter, s'écria : «
Morbleu, vous avez laissé eschapper l'oiseau. » Rentré
à Termonde, Ryhove apprit que des commissaires, envoyés
par Hembyze, y avaient déjà intrigué en son
absence pour détacher de lui ses troupes et le magistrat de la
ville. A sa vue, ces commissaires, qui le croyaient retenu à
Gand, s'écrient : « Comment est-il possible ? Cet homme
a-t-il des ailes pour voller? » Mais Ryhove les fait arrêter;
et, lorsque, quelques jours après, les Gantois lui réclament
leur mise en liberté, il n'en relâche qu'un sur trois,
retenant les deux autres en otages. Cependant Ryhove ne désespérait
pas encore de la ville de Gand. Il y envoya son fils aîné
Philippe, afin de négocier avec le magistrat ; mais le jeune
homme fut fait prisonnier dès qu'il entra à Gand, et
plus tard on l'envoya deux fois en otage au prince de Parme. Comme la
solde de ses troupes n'était plus payée, Ryhove
arrêtait sur l'Escaut les bateaux gantois et les confisquait.
Hembyze, de son côté, essayait d'amener la garnison de
Termonde à abandonner Ryhove. Son pouvoir à Gand
commença, du reste, à faiblir peu de temps après;
enfin, le 23 mars 1584, se produisit un grand soulèvement.
Convaincu d'entretenir une correspondance secrète avec le
prince de Parme, Hembyze fut accusé d'avoir voulu trahir la
ville et fait prisonnier à l'hôtel de ville. Son procès
fut instruit et, au mois d'août, Hembyze porta sa tète
grise sur l'échafaud. Néanmoins, Ryhove n'osa pas
encore rentrer à Gand, qui, d'ailleurs, était assiégé
par l'armée du prince de Parme : il y envoya d'abord un de ses
capitaines, nommé Sinddematle, pour sonder le terrain ; mais
les Gantois font prisonnier son émissaire. Alors Ryhove se
rend à Anvers, mandé par le conseil [A RELIRE] par les
membres des Etats de Brabant et par le magistrat. Marnix de
Sainte-Aldegonde le presse de rentrer à Gand. fût-ce
sous un déguisement; mais après un échange de
propos assez aigres, qu'il rapporte lui-même, Ryhove refusa net
de s'y aventurer, à moins qu'on ne lui fournit une armée
bien organisée. « Il eût bien esté embarqué
en Gand », dit l'Apologie , « s'il eût creu à
leur beau advis. II s'eût perdu comme une mouche à la
chandelle, et il eût eu beau attandre d'estre assisté
par une armée. » Le 18 mai 1584, le magistrat gantois
chargea deux commissaires d'aller à Termonde s'aboucher avec
Ryhove et les députés des Etats de Brabant. On a
conservé leurs instructions qui dénotent une mauvaise
volonté manifeste : si des secours prompts et décisifs
ne sont pas envoyés à Gand, on ouvrira les portes au
prince de Parme. En vain le Taciturne écrit-il lui-même
de Delft aux échevins de Gand, le 19 juin 1584, peu de jours
avant son assassinat, pour les conjurer de résister encore
quelque temps, leur déclarant qu'il rassemble une armée,
et que Ryhove est chargé de leur donner de sa part les
assurances les plus formelles. Celui-ci avait perdu tout crédit
à Gand ainsi que le prince d'Orange lui-même. Ryhove
resta donc provisoirement à Termonde, où il eut encore
beaucoup de peine à maintenir dans l'obéissance les
soldats qu'il avait sous ses ordres. Puis, ayant remis le
commandement de la ville à Philippe vander Gracht, seigneur de
Mortaigne, qui avait épousé sa nièce Marie de la
Kethulle, Ryhove partit, le 12 juillet 1584, pour Anvers, dans le but
de conférer avec les autorités qui y étaient
réunies, et de prendre des mesures pour secourir Gand, Là,
on le renvoya aux Etats généraux réunis dans le
Nord. Suivant ce conseil, Ryhove se rendit en Hollande, exposa la
situation désespérée de Termonde et de Gand, fut
admis à participer aux délibérations du Conseil,
mais, n'obtint que de bonnes paroles. Le prince d'Orange, qu'il avait
toujours servi avec tant de dévouement, venait d'être
assassiné à Delft (10 juillet 1584), quand Ryhove y
arriva. Les organisateurs des obsèques semblent avoir voulu
rendre hommage à sa fidélité inébranlable
envers le défunt ; en effet, dans son Apologie, Ryhove dit
avec une fierté bien légitime : « Le jour vient
qui estoit ordonné pour enterrer et sépoulturer le
corps.de feu le prince d'Orange, et on
l'enterra à Delft (3 août). Ryhove fut prié ou
semonce pour assistera l'enter-« rement et pour accompagner le
deuil, et portoit le grand estandart, marchant en pompes funèbres.
» Bor confirme ce détail : De heere van Rijhoven (droeg)
sijn guidon of veldwimpel, c'est-à-dire, que Ryhove portait
l'étendard de bataille du Taciturne. Le surlendemain, Ryhove
tomba gravement malade ; plusieurs fois il fut en danger de mort ; «
et continua icelle maladie l'espace de demy an, n'estant assisté
de personne, tellement qu'il peult dire par expérience :
Tempora si fuerint nubila, solus eris. » Quand il fut enfin
convalescent, il apprit que Gand et Termonde étaient tombés
aux mains du prince de Parme et que ses biens avaient été
confisqués et publique- . ment affichés à Gand
aux portes du château des Comtes, de l'hôtel de ville et,
des principales églises, en même temps que ceux des
autres fugitifs (16 mai 1585). De leur côté, les Etats
généraux le traitèrent avec indifférence,
« sans qu'on luy présentast une maile ny denier pour les
services et la perte des biens qu'il avait faicte pour le prince et
les Estats. » Dégoûté, il passa en
Angleterre, ou la reine Elisabeth faisait mine de vouloir se charger
de la défense des Provinces-Unies, laissées sans chef
depuis la mort du Taciturne. Il espérait lui-même «
avoir entretenement et estre employé ». Le comte de
Leicester le présenta à la reine, mais nous ne savons
ce qui s'ensuivit; car c'est ici que Ryhove arrête sa confuse
et pittoresque Apologie, écrite par lui en Angleterre, en
1585, et conservée actuellement au British Muséum »
comme tyré hors la « copie escripte de sa propre main ».
Ce n'est pas sans amertume qu'il s'y représente, en terminant,
comme « ayant faict perte de tous ses biens, sans avoir le
moyen de s'entretenir avecq sa femme et enfants qui ont suivy son
party, et par plusieurs blasmé à tort.; mais il loue
Dieu qui l'a préservé, et il vit encore, quel povre et
affligé qu'il est, en despit de ses ennemis, grâces à
Dieu ». Hellin dit qu'il mourut à Utrecht en 1586. M.
Van Hoorebeke place son décès à Harlem, le 14
juin 1592. Pour Utrecht, on ne possède de registres mortuaires
que depuis 1623 et pour Harlem, qu'à partir du 4 octobre 1598.
Mais il résulte d'un acte de 1610, conservé aux
archives de Gand, que Ryhove est mort le 15 juin 1585, après
avoir épousé à Delft, le 3 novembre 1584, sa
troisième femme Cornélie Poussens ; de cette union
naquit un fils (François), mort avant 1610. Riche et
insouciant de la politique au commencement des troubles de Gand,
Ryhove fut entraîné malgré lui dans le tourbillon
des affaires. Il s'y jeta d'ailleurs avec la violence irréfléchie
qui le caractérisait. Il ne semble avoir possédé
aucune des qualités de l'homme d'Etat et avoir été
un général assez médiocre. Audacieux, peu
scrupuleux, avide, impétueux jusqu'à la brutalité
et la cruauté, i1 joua un rôle prépondérant
dans l'arrestation des seigneurs catholiques et dansl'abominable
exécution du conseiller Hessels et du bailli de Visch. Mais il
faut dire à son honneur qu'il se rallia bientôt, et pour
la vie, à la politique tolérante et nationale du prince
d'Orange. C'est ainsi que Ryhove contribua puissamment à faire
admettre à Gand la Paix de religion, ce chef-d'œuvre du
Taciturne, et que le parti ultra-calviniste d'Hembyze n'eut pas
d'adversaire plus redoutable que lui. Dans cette lutte de tous les
instants qu'il soutint pendant six longues années à
Gand, à Termonde et dans toute la Flandre contre
l'intransigeance sectaire des protestants exaltés, Ryhove
déploya une énergie et une ténacité
indomptables. Il mit le même dévouement et la même
constance à défendre la cause de l'indépendance
nationale et de la liberté religieuse contre les Malcontents
et l'Espagne, ne se laissant abattre ni par les revers ni par la
perspective de sa ruine personnelle. Après avoir été
l'un des premiers à protéger les catholiques flamands,
qui d'oppresseurs cruels étaient à leur tour devenus
des opprimés, il fut l'un des derniers en Flandre à ne
pas désespérer de la liberté et de la patrie,
alors que tous les courages faiblissaient et que toutes les
consciences s'offraient en vente à Alexandre Farnèse.
Ryhove fut avant tout un homme d'action, dominé par les
passions violentes qu'on retrouve dans le cœur de presque tous
ses contemporains ; mais l'histoire lui rendra cette justice qu'il
finit par s'attacher à la cause la plus noble, qu'il la servit
en exposant plusieurs fois "sa vie et en y perdant toute sa
fortune, et qu'il lui resta fidèle sans défaillance
jusqu'à la mort.
(1) Sa seconde femme s'appelait Isabeau
de Preudhomme. I1 avait épousé en premières
noces Suzanne van den Haute; de ce mariage étaient issus deux
fils (Philippe et Louis) et deux filles (Jeanne et
Catherine-Jacqueline). Pour son fils Louis, voir l'article suivant.
' Paul Fredericq. — Herman
Vander Linden.
Archives communales de Gand :
Keure-resolu-tien,1576 ad 1584 ; Verbaelen enderesolutien van d'Edele
ende Leden van de Poorlerye van Gend, 1577 ad 1583; Jaerregister van
der Keure, 1541-1542. A° 1541, fol. 213,-vérso; Ibid.,
1609-1610, fol. Il6; Liasse: Stuks Ryhove. — Apologie de,
François de la Kethulle, seigneur de Ryhove, par luy-mesme
composée, 1586 (publ. par Rervyn de Lettenhove dans ses
Documents inédits relatifs à l'hist. du xvic siècle,
t.1"). — Fr. de Halewyn, Mémoires sur les troubles
de Gand (1577 1579), publiés par Kervyn de
Volkaersbeke.—Philippe van Campene, Diarium rerum
Gandavensiurr. 1566 - 1585, manuscrit de laBibliothèque
royale de Bruxelles ; et sa trad. flam. éunurlôe :
l'h.duKeinpcnare (sic), Vlaemsdie kronyk, publiée par l'h.
Blommaert (1839).—Politieke ballade, refereinen liederen en
spoigedicluen der xv.e eeuw, publié par Ph. Blonirnaert
(I847).—Kervyn de Volkatisbekt, Cf
Dico Bio Belge pour suite références
(source Dico Bio Belge)
KETHULLE (Louis de la ou van der),
second fils du précédent, naquit probablement à
Gand,vers l565; en effet, on le dit âgé d'environ seize
ans, dans les lettres patentes du 31 mai 1581, par lesquelles les
échevins de Gand, voulant reconnaître les grands
services rendus à la patrie par le seigneur de Ryhove son
père, accordaient à celui-ci et à chacun de ses
enfants d'importantes pensions viagères. Pour sa part, le
jeune Louis devait recevoir mille florins par an.
Après les victoires décisives
d'Alexandre Farnèse en Flandre et en Brabant, il suivit son
père dans les provinces septentrionales et y servit avec éclat
dans l'armée des Etats généraux, sous les ordres
de Maurice de Nassau. En 1591, il se signala tout particulièrement
au siège de Deventer. Un Albanais de la garnison espagnole, «
comme un autre Goliath », provoquait insolem-men.t en duel
toute l'armée assiégeante; mais Maurice fit défense
à ses soldats d'accepter le défi. Cependant le jeune
Louis de la Kethulle obtint la permission de se battre avec
l'Albanais qu'il défit en présence des deux armées.
Celui ci, en se déclarant vaincu, jeta sa chaîne d'or
autour du cou clé son vainqueur. Maurice de Nassau fit soi-.
gner la blessure de l'officier espagnol et le renvoya au gouverneur
de la place avec une lettre flatteuse. Quant à Louis de la
Kethulle, qui avait alors vingt-cinq ou vingt-six ans, ce duel le mit
du coup en évidence. Le 7 décembre 1618, Maurice le
nomma à un poste de confiance : il l'envoya à
Bergen-op-Zoom comme gouverneur militaire, au moment où la
trêve de douze ans avec l'Espagne était sur le point
d'expirer, et où les places de la frontière allaient
être exposées aux premiers coups de l'ennemi. Dans sa
commission, qui porte la signature du prince d'Orange et est
conservée aux archives de Bergen-op-Zoom, Louis de la Kethulle
est qualifié de seigneur de Ryhove (heere van Ryhoven), titre
qu'il ne pouvait porter que si son frère aîné
Philippe était mort. Celui-ci avait aussi pris service dans
les armées des Etats généraux, mais il y joua un
rôle plus effacé. Bientôt se présenta pour
Louis l'occasion de se signaler de nouveau; car Bergen-op-Zoom dut
soutenir, du 18 juillet au 3 octobre 1622, un siège mémorable
contre l'armée espagnole commandée par le fameux
marquis de Spinola en personne. La ville, défendue par le
seigneur de Ryhove, repoussa tous les assauts; et, au bout de près
de quatre mois d'efforts infructueux, Spinola dut lever le siège
et se retirer. Lorsque Bergen-op-Zoom fut délivré, le
magistrat vota, le 16 octobre 1622, une série de recompenses
pour ceux qui s'étaient distingués pendant le siège.
Louis de la Kethulle reçut pour sa part un don de 40 florins
carolus. Il resta gouverneur militaire de la ville jusqu'à sa
mort, qui doit être survenue vers le 21 octobre 1631. En effet,
ce jour-là, le magistrat résolut de porter le décès
de Ryhove à la connaissance du prince d'Orange et de l'inviter
à pourvoir à son remplacement. On voit encore
aujourd'hui, dans la grande église de Bergen-op-Zoom, la
pierre tombale que sa seconde femme (1) Emerence de Ravenswaey lui
érigea. Elle porte l'épitaphe qui suit :
TIBI,
LVDOVICE DE KETVLLE, DYNASTE DE
RlHOVE, QV1 PRIMARYS IN EQVESTRI
MILITIA DIGNITAT1BVS DEFVNCTVS,
VITAM CVM VRtBIS HVIVS REGIMINE
AMISISTI,
CV1VS
V1RTVEM ADMIRANTVR S1NGVLI,, PRVDENTIAM
OMNES,
MORTEM NEMO, VXOR MOESTA H. M. P.
Obyt Anno CIO IOC X.X.XI.
Sa femme le suivit dans la tombe en
1634, et fut enterrée auprès de lui. Son épitaphe
latine est gravée sur la même pierre, à côté
de celle de son mari.
Paul Fredericq.
Archives communales de Bergen-op-Zoom —
Archives de l'Etat à Bois-le-Duc.—Genealogische
verznmeling der Waalsche Bibliotheek te Leiden.
— J Revius, Vaventria illustrata
(Leide, 1651 .
— J. Revius, Jaerdicht op de
verlossinge der stadt Deventer wt het yewelt der Spanjaerden, dans
son recueil Orerysselsclte snngen en dichten fu2e édition,
Leide. 1(v54). — (Lambert de Rijcke. Nathan Vay et Job du Rieu,
pasteurs), Bergen op dtn Zoom belegherl op den 18 Julij 1622 ende
ontleghert den 3 Octobns des seiuen jaers (,Mid-ddbourg,1623). —
Et tous les historiens du temps.
(source Dico Bio Belge)
copyright Jacques Le Marois - Dernière modification: Dec 2005 - Vous êtes libre de piocher dans ces travaux. En échange je vous demande de citer vos sources et dans la mesure du possible de partager également vos travaux.
La page d'origine est https://www.lemarois.com/jlm/data/c30brune.html
Il peut y avoir des compléments dans le tableau d'ascendance correspondant (c30)